29 novembre 2008
À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Avec ce sens du pragmatisme qui les caractérise, les Anglo-Saxons injectent des centaines de milliards de dollars dans leurs économies. Peu importe que ce soit l’État, hier honni, qui le fasse. Peu importe que cela fasse exploser les déficits et les dettes publics. Les États-Unis, comme la Grande-Bretagne, vont allégrement dépasser les 6 %, voire les 7 % d’endettement public par rapport au PIB. L’Europe, celle de l’euro et des fameux critères de Maastricht, va être, elle aussi, obligée de réviser ses dogmes. Elle ne peut pas faire autrement, car aucun gouvernement responsable ne peut prendre le risque d’étouffer encore un peu plus son économie et celle de ses voisins, au nom d’une orthodoxie qui n’est plus de mise.
Cette crise, dont il faut espérer qu’on sortira bien un jour, pourrait être l’occasion d’une nouvelle réflexion sur l’endettement, les déficits publics et ce critère de 3 % (une invention française !), qui apparaît de plus en plus inadapté, car il ne tient pas compte des caractéristiques propres à chaque pays. Il y a des États européens qui dépensent très peu pour leur Défense. Ils s’en remettent aux autres, à l’Otan ou à l’Union européenne, pour les protéger. C’est un choix. Mais alors pourquoi pénaliser les autres et leur appliquer les mêmes règles d’orthodoxie budgétaire ? Voilà pourquoi il serait souhaitable que les dépenses militaires (hors gendarmerie) soit sorties du champ des critères de Maastricht.
Autre secteur qui devrait bénéficier du même traitement, celui des investissements dans les grandes infrastructures. L’Union européenne repose sur quelques principes de base, à commencer par la libre circulation des biens et des personnes. Certains pays, comme la France, le Benelux ou l’Allemagne jouent, du fait de leurs positions géographiques, un rôle clé dans ces échanges. Ce sont leurs réseaux routiers et ferroviaires qui permettent aux pays scandinaves, mais aussi à l’Italie, l’Espagne, voire la Grande-Bretagne, de faire transiter leurs marchandises et leurs voyageurs, aux quatre coins de l’Europe. À cela s’ajoutent les réseaux électriques. Sans interconnexion, l’Italie serait régulièrement plongée dans le noir. Tout ceci a un coût.
Les pays européens, notamment la France et l’Allemagne, vont devoir investir massivement dans la modernisation de leurs infrastructures, à commencer par le ferroutage. Des investissements à très long terme, qui vont se chiffrer en centaines de milliards d’euros. Ils ne pourront être financés que par des emprunts garantis par les États. Ce qui va venir gonfler les dettes publiques. Toutes ces dépenses devraient être hors critères de Maastricht.
Il faudrait également prendre en compte un autre facteur : celui de la démographie et de la fécondité. Pourquoi ne pas introduire un bonus malus venant corriger les chiffres bruts des déficits et endettements publics ? Car il y a, là aussi, deux Europe. Celle qui, grâce à une politique familiale active parvient à maintenir un taux de fécondité assurant peu ou prou le renouvellement des populations et celle qui se dépeuple. Notre taux de fécondité est de 2. Celui de l’Allemagne de 1,2. De l’Italie de 1,4, pour une moyenne de 1,56 % en Europe. La France consacre 4 % de son PIB pour aider les familles, contre seulement 2 %, dans les autres pays de l’OCDE. Demain, dans un vieux continent de plus en plus intégré, les jeunes Français, dont l’éducation aura pesé sur le budget et la dette, seront autant de consommateurs pour les produits allemands. Ils permettront accessoirement de payer une partie des retraites et des systèmes de protection sociale du reste de l’Europe. Voilà au moins un domaine, où la France se veut fourmi quand les autres se font cigales.