Trop, c’est trop ! Chaque semaine apporte sa taxation supplémentaire. Après la TVA à 7%, la taxation des plus-values sur les biens immobiliers, l’augmentation de l’impôt forfaitaire sur les revenus du capital – plan de rigueur oblige – voilà maintenant la TVA sociale et la taxe sur les transactions financières. Gageons que demain le président de la République sortira une nouvelle initiative de son chapeau. L’objectif est double. Il s’agit de démontrer et de montrer aux marchés financiers et aux agences de notation que la France s’est engagée résolument sur la voie de la rigueur budgétaire et ce malgré les échéances électorales qui se profilent.
Mais il s’agit aussi, pour Nicolas Sarkozy, de faire de la communication, de la politique, bref de la communication politique. Avec la taxation des plus-values immobilières et des revenus du capital, il s’agit de gommer l’image de président et de gouvernement des riches.
Avec la TVA sociale, on reprend une vieille idée des centristes, de François Bayrou, voire d’une partie des socialistes.
Avec la taxe sur les transactions financières, le propos présidentiel est subliminal. Les altermondialistes, la gauche en ont rêvé depuis trente ans, « moi je la mets en œuvre et je tente de bousculer nos partenaires européens ».
Cette tactique, qui vise à faire bouger les lignes, comme aime à le répéter le chef de l’État, à récupérer les idées de l’adversaire, est de bonne guerre… électorale.
Il y a pourtant un sérieux revers à la médaille. À force de multiplier les mesures, les taxations, les effets d’annonce, on risque de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Chacun en convient, notre pays a besoin d’une réforme fiscale en profondeur, mais aussi d’une réforme de la protection et de la réglementation sociale. Non pas forcément dans le sens d’une diminution de cette protection ou d’un alourdissement de la taxation, mais dans le sens d’une simplification.
Depuis cinquante ans, au fil des différents gouvernements, du jeu des lobbies, du poids des intérêts particuliers, notre pays a accumulé une sédimentation de règlements fiscaux, sociaux absolument ahurissante. Le cauchemar des chefs d’entreprise, surtout des petites entreprises. Une bénédiction pour tous les comptables, conseillers fiscaux et juridiques, mais aussi pour l’administration qui trouve là une justification à son travail, à son existence. Plus les règlements sont complexes, plus on multiplie les cas particuliers et plus il faut des gens pour conseiller et contrôler.
On dira que j’exagère ? À peine.
Regardez ce qui vient d’arriver avec le passage du taux de TVA de 5,5 à 7 % ! On peut débattre de l’opportunité macro-économique d’une telle décision. Mais en période de disette, il faut bien trouver de l’argent quelque part.
En outre, soyons sérieux, l’impact sur le portefeuille de la ménagère reste marginal. On pensait la cause entendue, eh bien non ! Bercy et quelques lobbies sont passés par là. Et voilà qu’une décision simple devient ubuesque. Parce qu’il y a des produits qui restent à 5,5 %. Et le même produit, selon sa destination, peut être à l’un ou l’autre taux, sur le même lieu de vente !!!! Un casse-tête pour les commerçants. D’autant que les logiciels comptables ne sont pas encore au point.
De plus, en multipliant les exemptions, qui sont autant de niches, on diminue l’impact de la mesure sur les recettes de l’État. Tout ceci porte un nom : une politique de gribouille. Comment un ministre, un gouvernement qui représentent l’autorité légitime par rapport à l’administration, peuvent-ils laisser faire ? À moins qu’ils n’en soient complices !
Ce que prépare la gauche n’est guère plus réjouissant. En fait de grande réforme fiscale et de simplification administrative, on risque fort d’accroître la complexité des textes et de renforcer les effets de seuil. Pourquoi faire simple lorsqu’on peut faire compliqué ? En attendant, il ne sert à rien de prôner la réindustrialisation, le patriotisme économique, la relance de l’investissement, si on ne l’accompagne pas d’une remise à plat des réglementations en vigueur, avec la mise en place de nouvelles règles fiscales, simples, équitables et efficaces. Le tout avec une sécurité juridique. Comment peut-on inciter les ménages et les entreprises, notamment les PME, à privilégier les stratégies à long terme, lorsque l’environnement réglementaire change tous les trimestres ? Plutôt que d’une règle d’or budgétaire, nous avons d’abord besoin d’une règle d’or de la fiscalité et de la réglementation sociale.
Jean-Michel Quatrepoint
9 janvier 2012